si quelqu'un à l'article complet ça me dirait bien :)
Critique par Hugo Cassavetti
Publié le 09/05/2022
Le voilà, l’album que l’on attendait, depuis, c’est selon, Kid A, OK Computer ou même The Bends. Celui où la confiance placée dans Thom Yorke n’est plus nécessaire pour apprivoiser ses dernières recherches musicales. Car The Smile, trio formé avec Jonny Greenwood, guitariste et seconde force créatrice de Radiohead, et Tom Skinner, batteur de jazz (Sons of Kemet), est une divine surprise. L’annonce du projet à coloration progressive et expérimentale, à l’instar de son appellation à double sens – sourire réjoui ou crispé ? –, pouvait inquiéter. En une écoute, suivie de bien d’autres, le doute est levé : comme affranchis de la contrainte de faire « autre chose » ou « délibérément compliqué », les deux vieux complices paraissent heureux de faire de la musique ensemble comme jamais. Car si les thématiques habituelles de Yorke – aliénation, écrasement de l’individu – irriguent encore la plupart des chansons, elles inspirent ici une riche quête musicale aussi harmonieuse que libérée. Les trois hommes sautant, en toute cohérence, d’une forme pop ou rock à une autre, dans la tradition des grandes heures du progressif anglais.
À la sortie d’Anima, son dernier projet électronique conçu avec Nigel Godrich (présent encore ici), Yorke affirmait que sa voix était son premier instrument. Avec The Smile, il s’assume enfin comme l’immense chanteur qu’il est : avec des mélodies distinctes, superbes, et une multitude de variations en fonction du cadre musical adopté. Car ici est bannie l’uniformité ou l’austérité, des subtils rythmes concoctés par Skinner aux instrumentations et ambiances tissées par Greenwood, devenu maître de la BO et des paysages sonores : grisant groove funky (The Opposite), dub élégant (The Smoke), krautrock énervé (You Will Never Work in Television), pop vaporeuse quasi beatlesienne (The Same) et, bien sûr, de somptueuses ballades inclassables (Pana-vision au piano enchanteur, l’acoustique Free in the Knowledge, le magnifique et orchestré Waving a White flag, l’envoûtant et sinueux Skirting on the surface), sur lesquelles le chant de Yorke s’ouvre comme jamais. « On ne sait ce que nous réserve l’avenir », s’exclame-t-il pourtant, toujours angoissé. Raison de plus, grâce à The Smile, pour cultiver un peu de beauté. Et de sourire au présent.