Pour ceux qui ne connaissent pas Antonio Lobo Antunes je vous conseille vivement son dernier livre traduit du portugais : L’autre rive de la mer. Il faut avoir lu une fois dans sa vie un livre de cet auteur que l’académie du Nobel s’obstine à oublier. Il faut se plonger dans le flux de conscience de ses personnages, dans ses polyphonies de la mémoire. Lobo Antunes a une formation de médecin psychiatre, il a fait son service militaire en Angola durant la guerre d’indépendance sous la dictature de Salazar, une expérience traumatique qui l’a durablement marqué. Dans ce dernier livre il replonge dans ce cauchemar à travers trois personnages qui se remémorent le passé. Le racisme, la violence, la lâcheté et la bêtise des hommes sont contés dans une langue à la fois poétique, burlesque, tragique et tendre.
Lobo Antunes c’est le baroque de Garcia Marques qui rencontre Céline. Les phrases ne se terminent jamais ou rarement, la ponctuation est aléatoire. Il faut se laisser porter par le courant de l’écriture.
Le début de la première phrase du livre :
« Évidemment la maison, pour autant qu'on puisse appeler maison une espèce de baraque, n'existe plus à coup sûr, tout au plus doit-il rester, ça c'est moi qui l'imagine, des tuiles brisées et des briques sur le sol, le petit potager remplacé par des roseaux et des épineux, le mur de pierres sèches à moitié écroulé et puis des agaves et la mer en contrebas, si étrange la nuit, juste une absence avec des lumières de bateaux au loin, suspendues à rien, et la certitude qu'il me suffisait de tendre la main pour les attraper… »